Cession de fonds de commerce et séquestre = une garantie supplémentaire parfois nécessaire

CESSION DE FONDS DE COMMERCE ET SÉQUESTRE

Le séquestre : une garantie essentielle pour sécuriser votre acquisition


INTRODUCTION : POURQUOI LE SÉQUESTRE EST-IL NÉCESSAIRE ?

Lors de l’acquisition d’un fonds de commerce, l’acheteur peut se retrouver exposé à un risque méconnu mais potentiellement catastrophique : devoir payer deux fois le prix d’acquisition.

En effet, les créanciers du vendeur disposent de droits leur permettant de se faire payer directement par l’acquéreur si celui-ci n’a pas respecté certaines formalités protectrices. L’acquéreur qui règle trop rapidement le prix de cession peut ainsi voir resurgir d’anciens créanciers du vendeur réclamant leur dû… jusqu’à concurrence du prix payé.

Pour éviter cette situation catastrophique, le mécanisme du séquestre constitue une protection efficace et largement utilisée dans les cessions de fonds de commerce. Il permet de bloquer tout ou partie du prix de cession chez un tiers de confiance le temps de purger les oppositions des créanciers.


I. LES DROITS DES CRÉANCIERS DANS UNE CESSION DE FONDS DE COMMERCE

1. LES CRÉANCIERS CHIROGRAPHAIRES DU VENDEUR

Définition

Les créanciers chirographaires sont les créanciers ordinaires du vendeur, c’est-à-dire ceux qui ne bénéficient d’aucune garantie particulière (privilège, hypothèque, nantissement).

Il peut s’agir :

  • De fournisseurs impayés
  • De prestataires de services
  • De bailleurs (loyers impayés)
  • De banques (pour des prêts non garantis)
  • De l’administration fiscale ou sociale

Le droit d’opposition

Ces créanciers disposent d’un droit d’opposition sur le prix de cession du fonds de commerce (article L.141-14 du Code de commerce).

Conditions d’exercice :

  • Le créancier doit être titulaire d’une créance antérieure à la cession
  • L’opposition doit être formée dans un délai de 10 jours à compter de :
    • La seconde publication de la cession au BODACC
    • Ou de la publication au journal d’annonces légales (selon la première achevée)

Forme de l’opposition :

  • Acte extrajudiciaire (acte d’huissier)
  • Signifié au domicile de l’acquéreur ou du séquestre si désigné
  • Doit mentionner le montant et la cause de la créance

Effets de l’opposition

L’opposition produit des effets majeurs :

Indisponibilité du prix :

  • Le prix de cession devient indisponible à hauteur de la créance opposée
  • Le vendeur ne peut plus en disposer librement
  • L’acquéreur ne peut pas payer le vendeur sans risque

Responsabilité solidaire de l’acquéreur :

  • Si l’acquéreur a payé le vendeur avant l’expiration du délai d’opposition ou sans tenir compte des oppositions
  • Les créanciers opposants peuvent poursuivre l’acquéreur personnellement
  • Dans la limite du prix de cession qu’il a versé
  • L’acquéreur perd ainsi sa protection et peut devoir payer une seconde fois

Consignation obligatoire :

  • L’acquéreur doit consigner les sommes correspondant aux oppositions
  • Auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations
  • Ou auprès d’un séquestre conventionnel

2. LES CRÉANCIERS INSCRITS (PRIVILÉGIÉS)

Définition et nature

Certains créanciers bénéficient d’un privilège sur le fonds de commerce, c’est-à-dire d’un droit de priorité leur permettant d’être payés avant les autres créanciers.

Principaux privilèges sur fonds de commerce :

Le privilège du vendeur :

  • Créancier : le vendeur précédent du fonds
  • Garantie du paiement du solde du prix lors d’une précédente cession avec crédit-vendeur
  • Inscription obligatoire dans les 30 jours de la cession

Le privilège du bailleur :

  • Créancier : le propriétaire des murs
  • Garantie des loyers impayés
  • Porte sur le matériel et les marchandises garnissant les lieux

Le privilège du Trésor Public :

  • Pour certaines créances fiscales
  • Privilège général sur tous les biens du débiteur

Le nantissement du fonds de commerce :

  • Garantie consentie par le propriétaire du fonds à un créancier (généralement une banque)
  • Donne un droit de priorité en cas de vente du fonds

Inscription au greffe

Ces privilèges doivent être inscrits au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) pour être opposables.

Vérification préalable : Avant toute cession, il est impératif de demander un « état des privilèges et nantissements » auprès du greffe du tribunal de commerce. Ce document recense toutes les inscriptions grevant le fonds.

Droits des créanciers inscrits

Contrairement aux créanciers chirographaires, les créanciers inscrits :

  • N’ont pas besoin de former opposition (leur privilège leur confère déjà un droit de suite)
  • Peuvent poursuivre directement l’acquéreur ou le vendeur
  • Bénéficient d’un droit de priorité sur le prix de cession

Conséquence pratique : Le vendeur doit généralement « purger » le fonds avant la cession, c’est-à-dire :

  • Rembourser les créanciers inscrits
  • Obtenir la mainlevée (radiation) de leurs inscriptions
  • Afin de transférer un fonds « propre » à l’acquéreur

Cette purge est souvent financée par le prix de cession lui-même, d’où l’intérêt du séquestre pour gérer ces paiements.

3. LE TRÉSOR PUBLIC : UN CRÉANCIER AUX DROITS ÉTENDUS

Privilèges fiscaux

Le Trésor Public bénéficie de droits spécifiques en matière de cession de fonds de commerce (article 1684 du Code général des impôts).

Créances fiscales concernées :

  • Impôt sur le revenu de l’année de la cession et de l’année précédente
  • Impôt sur les sociétés dans les mêmes conditions
  • TVA due et non acquittée
  • Taxe d’apprentissage
  • Cotisations sociales (URSSAF)

Responsabilité solidaire de l’acquéreur

L’acquéreur peut être tenu solidairement responsable avec le vendeur du paiement de ces impôts.

Conditions :

  • Responsabilité limitée au montant du prix de cession
  • Mise en cause possible pendant un délai de 3 mois à compter de la publication des comptes d’exploitation du fonds
  • L’acquéreur ne peut se libérer qu’en prouvant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires

Protection de l’acquéreur : Pour se protéger, l’acquéreur doit :

  • Demander au vendeur un certificat de non-opposition fiscale auprès du Service des Impôts des Entreprises
  • Attendre l’obtention de ce certificat avant de payer le prix
  • Ou mettre en place un séquestre

II. LES RISQUES POUR L’ACQUÉREUR

Le risque de double paiement

Scénario catastrophe :

  1. L’acquéreur signe l’acte de cession et paie le prix au vendeur
  2. Les formalités de publicité sont accomplies (JAL et BODACC)
  3. Dans les 10 jours suivant la seconde publication, des créanciers du vendeur forment opposition
  4. Ces créanciers poursuivent l’acquéreur pour obtenir paiement dans la limite du prix de cession
  5. L’acquéreur doit payer une seconde fois, car il n’a pas respecté le délai d’opposition

Montant du risque :

  • L’acquéreur peut être poursuivi à hauteur du prix total de cession
  • Même s’il a déjà intégralement payé le vendeur
  • Il perd ainsi la totalité de son investissement

L’impossibilité de récupérer les sommes versées

Si l’acquéreur doit payer les créanciers, il se retourne théoriquement contre le vendeur pour obtenir remboursement.

Mais en pratique :

  • Le vendeur est souvent insolvable (d’où les créanciers impayés)
  • Il peut avoir disparu ou être introuvable
  • Les procédures de recouvrement sont longues et coûteuses
  • L’acquéreur peut ne jamais récupérer son argent

La complexité des vérifications

Pour un acquéreur non averti, il est difficile de :

  • Identifier tous les créanciers potentiels du vendeur
  • Vérifier l’état réel des dettes
  • Comprendre les privilèges et inscriptions
  • Respecter tous les délais et formalités

D’où l’importance d’un accompagnement juridique professionnel.


III. LE SÉQUESTRE : UNE PROTECTION EFFICACE

Définition du séquestre

Le séquestre est un mécanisme contractuel par lequel les parties à une cession conviennent de confier tout ou partie du prix de cession à un tiers de confiance (le séquestre), qui le conservera pendant une durée déterminée avant de le libérer selon les conditions prévues.

Nature juridique :

  • Séquestre conventionnel (article 1956 du Code civil)
  • Créé par un accord entre vendeur et acquéreur
  • Organisé dans l’acte de cession ou dans une convention séparée

Désignation du séquestre

Le séquestre est généralement confié à :

  • Un avocat
  • Un notaire
  • Parfois un expert-comptable
  • Rarement la Caisse des Dépôts et Consignations

Qualités requises :

  • Professionnel de confiance
  • Impartial et indépendant
  • Compétent en droit commercial
  • Disposant d’un compte CARPA (pour les avocats) ou équivalent

Fonctionnement du séquestre

Phase 1 : Blocage du prix

À la signature de l’acte de cession :

  • L’acquéreur verse le prix (ou une partie) au séquestre
  • Le séquestre ouvre un compte séquestre dédié
  • Les fonds sont bloqués et ne peuvent être libérés sans accord ou décision

Montant séquestré :

  • Peut porter sur la totalité du prix de cession
  • Ou seulement une partie jugée suffisante pour couvrir les oppositions prévisibles
  • Généralement : 20% à 40% du prix dans les situations à risque

Phase 2 : Gestion des oppositions

Réception des oppositions :

  • Les créanciers opposants signifient leur opposition au séquestre
  • Le séquestre reçoit et enregistre toutes les oppositions

Vérification des créances : Le séquestre examine :

  • La validité de chaque opposition (respect des délais, forme)
  • L’existence et le montant de la créance (justificatifs)
  • L’antériorité de la créance à la cession
  • Les privilèges et inscriptions éventuels

Examen de l’état des inscriptions :

  • Le séquestre obtient un état actualisé du greffe
  • Vérifie les créanciers inscrits et leurs droits
  • S’assure de la régularité des mainlevées obtenues

Phase 3 : Répartition et libération des fonds

En l’absence d’opposition ou après règlement :

  • Le séquestre libère les fonds au profit du vendeur
  • Après expiration du délai d’opposition (10 jours + délai de sécurité)
  • Et vérification de l’absence de créances fiscales

En présence d’oppositions :

Si les oppositions sont non contestées :

  • Le séquestre répartit les sommes entre les créanciers selon leur rang
  • Paiement prioritaire des créanciers privilégiés
  • Puis répartition proportionnelle entre créanciers chirographaires si insuffisant
  • Solde éventuel remis au vendeur

Si les oppositions sont contestées :

  • Le séquestre conserve les fonds jusqu’à décision judiciaire
  • Les parties doivent saisir le tribunal de commerce
  • Le juge tranche sur la validité et le montant des créances
  • Le séquestre exécute la décision judiciaire

Avantages du séquestre pour l’acquéreur

Protection absolue contre le risque de double paiement
Sécurité juridique : respect automatique des délais et formalités
Décharge de responsabilité : le séquestre assume la gestion des oppositions
Tranquillité d’esprit : l’acquéreur n’a plus à gérer les créanciers du vendeur
Impartialité : un professionnel indépendant gère les conflits
Expertise : le séquestre connaît les règles applicables

Intérêt du séquestre pour le vendeur

Le vendeur peut avoir intérêt à accepter le séquestre :

Facilite la vente : rassure l’acquéreur prudent
Évite les litiges futurs : pas de recours ultérieur de l’acquéreur
Gestion centralisée : un seul interlocuteur pour tous les créanciers
Prévient les poursuites : l’acquéreur ne rejoindra pas les créanciers
Image positive : transparence et bonne foi démontrées


IV. LA RÉMUNÉRATION DU SÉQUESTRE

Principe : rémunération par l’acquéreur

Le séquestre agissant dans l’intérêt de l’acquéreur (c’est ce dernier qui bénéficie de la protection), il est considéré comme son mandataire.

En conséquence, la rémunération du séquestre est généralement à la charge de l’acquéreur.

Montant de la rémunération

Modalités de calcul :

  • Pourcentage du prix séquestré : généralement entre 0,5% et 2%
  • Forfait : somme fixe selon la complexité
  • Honoraires au temps passé : dans les dossiers très complexes

Facteurs influençant le montant :

  • Montant du prix de cession
  • Nombre d’oppositions prévisibles ou reçues
  • Complexité du dossier
  • Durée prévisible du séquestre

Exemple : Pour une cession à 100 000 €, la rémunération du séquestre peut varier entre 500 € (0,5%) et 2 000 € (2%).

Répartition négociable

Les parties peuvent librement convenir d’une autre répartition :

Partage entre vendeur et acquéreur :

  • 50/50 (répartition équitable)
  • 70/30 (acquéreur/vendeur)
  • Toute autre clé de répartition

Prise en charge totale par le vendeur :

  • Le vendeur accepte de payer l’intégralité pour faciliter la vente
  • Particulièrement si le vendeur a de nombreux créanciers
  • Démontre la bonne foi du vendeur

Clause contractuelle : L’acte de cession doit préciser clairement :

  • Qui supporte la rémunération du séquestre
  • Le mode de calcul
  • Les modalités de règlement

Le séquestre : un coût justifié

Comparaison coût/risque :

  • Coût du séquestre : 500 € à 2 000 € en moyenne
  • Risque de double paiement : montant total du prix de cession (des dizaines ou centaines de milliers d’euros)

Le rapport est sans commune mesure.

Notre recommandation : Ne faites jamais l’économie du séquestre si :

  • Le vendeur a une situation financière fragile
  • Des créanciers impayés sont identifiés
  • Des inscriptions existent au RCS
  • Le montant de la cession est important
  • Vous avez le moindre doute

V. MISE EN PLACE PRATIQUE DU SÉQUESTRE

Clauses à prévoir dans l’acte de cession

Désignation du séquestre :

« Les parties désignent d’un commun accord Maître [Nom], avocat au Barreau de [Ville], en qualité de séquestre pour la présente cession. »

Montant séquestré :

« Le prix de cession, soit la somme de [montant] euros, sera intégralement versé entre les mains du séquestre au jour de la signature du présent acte. »

Ou :

« Une somme de [montant] euros, représentant [pourcentage]% du prix total de cession, sera séquestrée afin de garantir le paiement des éventuels créanciers opposants. »

Mission du séquestre :

* »Le séquestre aura pour mission de :

  • Recevoir les fonds et les conserver sur un compte dédié
  • Réceptionner les oppositions formées par les créanciers du vendeur
  • Vérifier la validité et le montant des créances opposées
  • Procéder à la répartition des sommes séquestrées selon les règles légales
  • Libérer le solde au profit du vendeur après purge des oppositions »*

Durée du séquestre :

« Le séquestre conservera les fonds pendant un délai minimum de [durée, généralement 15 à 30 jours] à compter de la seconde publication légale, augmenté du temps nécessaire au traitement des oppositions éventuelles. »

Rémunération :

« La rémunération du séquestre est fixée à [montant ou pourcentage] et sera supportée par [l’acquéreur / le vendeur / les deux parties à parts égales]. »

Documents remis au séquestre

Le séquestre doit recevoir :

  • Une copie de l’acte de cession
  • L’état des inscriptions du RCS
  • Les justificatifs de publication (JAL et BODACC)
  • La liste des créanciers connus (si disponible)
  • Les coordonnées des parties et de leurs conseils

Durée du séquestre

Durée minimale :

  • 10 jours à compter de la seconde publication (délai d’opposition)
    • marge de sécurité de 5 à 15 jours
  • Soit généralement 15 à 25 jours minimum

Durée en cas d’oppositions :

  • Peut s’étendre à plusieurs mois si contestations
  • Jusqu’à la décision judiciaire définitive si litige porté devant les tribunaux

Libération anticipée partielle : Dans certains cas, le séquestre peut libérer une partie des fonds :

  • Si le montant séquestré dépasse largement les oppositions
  • Avec l’accord de toutes les parties
  • En conservant une réserve suffisante

VI. ALTERNATIVES ET COMPLÉMENTS AU SÉQUESTRE

La consignation à la Caisse des Dépôts

En l’absence de séquestre conventionnel, l’acquéreur peut :

  • Consigner les sommes à la Caisse des Dépôts et Consignations
  • Procédure plus lourde et moins souple
  • Moins courante en pratique

Le certificat de non-opposition fiscale

Demandé auprès du Service des Impôts des Entreprises :

  • Atteste de l’absence de créances fiscales
  • Protège l’acquéreur contre la responsabilité fiscale
  • Complément indispensable au séquestre

L’assurance garantie de passif

Dans les cessions importantes :

  • Souscription d’une police d’assurance
  • Couvre l’acquéreur contre les passifs cachés
  • Complète mais ne remplace pas le séquestre

NOTRE ACCOMPAGNEMENT

Notre cabinet vous assiste dans la mise en place et la gestion du séquestre :

Pour les acquéreurs

✓ Évaluation de l’opportunité du séquestre selon votre situation
✓ Négociation des clauses de séquestre dans l’acte de cession
✓ Vérification de l’état des inscriptions et des créanciers
✓ Rédaction des clauses contractuelles
✓ Désignation d’un séquestre de confiance

Pour les vendeurs

✓ Conseil sur l’acceptation du séquestre
✓ Négociation de la durée et du montant séquestré
✓ Purge préalable des inscriptions
✓ Obtention des mainlevées
✓ Accélération de la libération des fonds

Mission de séquestre

Notre cabinet peut assurer la mission de séquestre : ✓ Ouverture d’un compte CARPA dédié
✓ Réception et vérification des oppositions
✓ Contrôle de la validité des créances
✓ Répartition selon les règles légales
✓ Libération sécurisée des fonds
✓ Gestion des contentieux éventuels


ZONE D’INTERVENTION

Nous intervenons pour toutes les cessions de fonds de commerce à :

  • Paris
  • Bobigny
  • Toute l’Île-de-France

Nous assurons des missions de séquestre devant :

  • Le Tribunal de Commerce de Bobigny
  • Le Tribunal de Commerce de Paris
  • Les autres juridictions commerciales franciliennes

Le séquestre est un investissement modeste au regard du risque considérable qu’il permet d’éviter. Ne prenez pas le risque de payer deux fois le prix de votre fonds de commerce : confiez la gestion du prix de cession à un professionnel expérimenté.